MARIE-JOSÉE ROY • photographe • Bas-Saint-Laurent • 418-605-1763..........................................

 

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rencontre | laurent viens

«REJOINS-MOI JEUDI MATIN vers 8h30 chez Ti-Polo à Henryville, au coin du Chemin des Amoureux et de la 133», me propose Laurent Viens. Arrivée sur place, l’artiste m’attendait assis sur une table de pic-nique, le casque de moto dans les mains. Une fois le petit déjeuner terminé, il m’invite à monter sur sa 750 en direction de la cour à « scrap » à la recherche d’un «coup de cœur»!



On y entre comme si c’était chez lui. Le patron et tous les employés le saluent, s’arrêtent de travailler pour échanger quelques mots et surtout informer Laurent des derniers arrivages. Depuis qu’il s’est installé à Pike River, la ferraille est probablement le lieu qu’il fréquente le plus souvent. C’est sa matière première. Ses sculptures et ses tableaux en découlent directement.



Dès nos premiers pas sur le terrain vaseux, le regard de Laurent s’intensifie. Ses yeux perçants imaginent déjà ce qui se trouve tout au fond de la cour, derrière les pièces d'acier découpées et les voitures empilées. C’est là qu’il espère y découvrir son trésor du jour.

Après quelques détours entre les allées, Laurent accélère le pas et se dirige en ligne droite vers un morceau de fibre de verre accroché à l’arrière d’un véhicule calciné. Il s’en approche, le touche, le tourne, le plie. Puis d’un coup sec, l’arrache du cadre qui le retient et le jette au sol. Il en fait le tour à quelques reprises et le reprend dans ses mains.

Mission accomplie! Tenant fermement sa trouvaille, il pouvait déjà imaginer le tableau terminé.

Laurent Viens travaille avec des éléments récupérés depuis une vingtaine d’années. Sous son regard clair, les anciennes poutres d’immeubles, les capots de voitures, les tuiles de prélart se métamorphosent en œuvres d’art. Après toutes ces années de recherche et d’expérimentation, Laurent connaît ces matériaux à fond. Il sait aussi comment transformer son énergie brute et créative en une œuvre parfaitement contrôlée.



Une fois de retour dans son atelier, Laurent dégage un espace sur la table de travail embourbée de contenants de peintures industrielles, de goudron liquide, de bombes aérosols, de diluants et plusieurs autres produits aussi nocifs. Il y dépose un panneau de masonite orange texturé. D’un geste sûr, il y jette de la peinture blanche, empoigne une scie à bois et d’un grand mouvement, y étale la matière. Viens fait un pas en arrière, lève la tête et me lance un regard satisfait.



Il apposera ensuite, à l’aide de ses mains, des traces de couleurs ça et là, quelques coups de bombe aérosol et pour finaliser le tout, une bonne couche de goudron liquide vaporisé. Laurent me demande un peu d'aide pour déposer le panneau sur des tréteaux à l’extérieur de l’atelier. Sous les rayons du soleil, les vapeurs se dissiperont et les couleurs se révéleront peu à peu à travers les dépôts de matière. Voilà, il ne reste plus qu’à admirer le travail!



La séance photo terminée, je range mon appareil et passe les derniers moments de cette journée à écouter l’artiste m’exposer longuement, d’une voix calme et posée, ses mille et un projets. J’en retiens ceci : surtout, ne jamais avoir peur de « lâcher le bord de la piscine », comme dirait Laurent qui en fait la démonstration quotidiennement!


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