rencontre | laurent viens
«REJOINS-MOI JEUDI
MATIN vers 8h30 chez Ti-Polo à Henryville,
au coin du Chemin des Amoureux et de la 133», me propose Laurent Viens. Arrivée
sur place, l’artiste m’attendait
assis sur une table de pic-nique, le casque
de moto dans les mains. Une fois le petit déjeuner
terminé, il m’invite à monter
sur sa 750 en direction de la cour à
« scrap » à la recherche
d’un «coup de cœur»!

On y entre comme si c’était chez
lui. Le patron et tous les employés le
saluent, s’arrêtent de travailler
pour échanger quelques mots et surtout
informer Laurent des derniers arrivages. Depuis
qu’il s’est installé à
Pike River, la ferraille est probablement le
lieu qu’il fréquente le plus souvent.
C’est sa matière première.
Ses sculptures et ses tableaux en découlent
directement.

Dès nos premiers pas sur le terrain vaseux,
le regard de Laurent s’intensifie. Ses
yeux perçants imaginent déjà
ce qui se trouve tout au fond de la cour, derrière
les pièces d'acier découpées
et les voitures empilées. C’est
là qu’il espère y découvrir
son trésor du jour.
Après quelques détours
entre les allées, Laurent accélère
le pas et se dirige en ligne droite vers un
morceau de fibre de verre accroché à
l’arrière d’un véhicule
calciné. Il s’en approche, le touche,
le tourne, le plie. Puis d’un coup sec,
l’arrache du cadre qui le retient et le
jette au sol. Il en fait le tour à quelques
reprises et le reprend dans ses mains.

Mission accomplie! Tenant
fermement sa trouvaille, il pouvait déjà
imaginer le tableau terminé.
Laurent Viens travaille
avec des éléments récupérés
depuis une vingtaine d’années.
Sous son regard clair, les anciennes poutres
d’immeubles, les capots de voitures, les
tuiles de prélart se métamorphosent
en œuvres d’art. Après toutes
ces années de recherche et d’expérimentation,
Laurent connaît ces matériaux à
fond. Il sait aussi comment transformer son
énergie brute et créative en une
œuvre parfaitement contrôlée.

Une fois de retour dans son atelier, Laurent
dégage un espace sur la table de travail
embourbée de contenants de peintures
industrielles, de goudron liquide, de bombes
aérosols, de diluants et plusieurs autres
produits aussi nocifs. Il y dépose un
panneau de masonite orange texturé. D’un
geste sûr, il y jette de la peinture blanche,
empoigne une scie à bois et d’un
grand mouvement, y étale la matière.
Viens fait un pas en arrière, lève
la tête et me lance un regard satisfait.

Il apposera ensuite, à l’aide de
ses mains, des traces de couleurs ça
et là, quelques coups de bombe aérosol
et pour finaliser le tout, une bonne couche
de goudron liquide vaporisé. Laurent
me demande un peu d'aide pour déposer
le panneau sur des tréteaux à
l’extérieur de l’atelier.
Sous les rayons du soleil, les vapeurs se dissiperont
et les couleurs se révéleront
peu à peu à travers les dépôts
de matière. Voilà, il ne reste
plus qu’à admirer le travail!

La séance photo terminée, je range
mon appareil et passe les derniers moments de
cette journée à écouter
l’artiste m’exposer longuement,
d’une voix calme et posée, ses
mille et un projets. J’en retiens ceci
: surtout, ne jamais avoir peur de « lâcher
le bord de la piscine », comme dirait
Laurent qui en fait la démonstration
quotidiennement!

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