rencontre | martin st-laurent
UNE CONSTELLATION DE POINTILLÉS vert lime, jaune flamboyant, bleu titane, orange vibrant disposés de façon aléatoire ou coinçés dans des zones angulaires difformes se détachent du fond noir des tableaux et laissent à peine entrevoir Martin St-Laurent. C'est que le peintre se tient devant une dizaine de grands formats alignés au mur de son atelier, telle une forteresse. Loin d'être infranchissable, Martin, tout sourire, me tend une paire de chaussures aux couleurs de ses œuvres. « Je te suggère de les mettre si tu veux ressortir d'ici sans laisser de traces...» L'artiste enchaîne aussitôt en m'expliquant ce qu'il compte réalisé pendant notre rencontre.

Après des jours de préparation, trois grands formats et plusieurs petits tableaux attendent la touche finale.

D'abord enduit de noir, des formes ont par la suite été délimitées et recouvertes de papier journal pour les garder intactes.

S'ensuivra une série de petites masses alignées, gorgées de peinture et remplies de récits... les pointillés. L'élément qui caractérise St-Laurent.

Martin, très concentré, lève parfois la tête pour me mettre en contact avec son imaginaire.

Il voit dans ces formes variées tantôt des oiseaux mythologiques, tantôt des animaux venus d'ailleurs. L'œuvre de St-Laurent est basée sur l'anecdote. Des souvenirs reliés à son enfance, aux moments passés en compagnie de sa grand-mère. De petites histoires qui se poursuivent jusque sur les murs...

Muni de gants de caoutchouc et d'un pot de peinture industrielle jaune serein, l'artiste saute d'une surface à l'autre, sans s'arrêter. L'atelier est bientôt baigné dans un univers de points.

Martin se relève satisfait. « Habituellement, je laisse sécher quelques heures avant de retirer les caches», mais sentant mon impatience, le peintre retire les papiers pour me laisser découvrir les œuvres enfin terminées.

Petit à petit, les tableaux révèlent des formes bigarrées entrecoupées d'éclatants pointillés, juxtaposées à des séries de coulisses vibrantes. Mes yeux ne savent plus où se poser tellement ils sont interpellés. Bouche bée, je regarde finalement Martin.

Sans prétention, l'artiste m'explique alors qu'il ne peint pas pour vendre, mais qu'il espère un jour rassembler tous ses tableaux pour en faire un château, tel un jeu de cartes. Ça fait partie d'un projet auquel il pense depuis longtemps, il ne lui reste plus qu'à trouver l'endroit où il pourra le réaliser.

En attendant, je ramasse mon argent dans l'espoir de me procurer une pierre de ce château pour pouvoir rêver moi aussi!

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